Quels dispositifs pour faciliter les transitions professionnelles ?

La table ronde « Transitions professionnelles : quel dispositif idéal ? », le 27 janvier 2023, lors de la 18e UHFP à Cannes.

UHFP 2023

Quels dispositifs pour faciliter les transitions professionnelles ?

La simplification des dispositifs de transitions professionnelles sera au programme des concertations que le ministère du Travail s’apprête à engager avec les partenaires sociaux. Un chantier stratégique pour faciliter les reconversions dans un monde en mutation. Sa mise en œuvre s’annonce cependant délicate étant données la diversité des situations à prendre en compte et la complexité d’un système aujourd’hui caractérisé par une variété d’outils et de parties prenantes… Décryptage à l’occasion d’une table ronde organisée, le 27 janvier, à l’Université d’hiver de la formation professionnelle.

Par Estelle Durand – Le 06 février 2023.

Bâtir un cadre propice aux mobilités professionnelles. C’est l’un des objectifs de la feuille de route de la ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnels. « Les parcours de transitions professionnelles ne concernent aujourd’hui que 0,3 % des actifs soit 60 000 par an », a rappelé Carole Grandjean, lors de l’ouverture de l’Université d’hiver de la formation professionnelle, le 25 janvier. « Il y a de quoi s’interroger, quand on sait que nous serons amenés à changer d’emploi plusieurs fois au cours d’une carrière. »

Une variété de dispositifs

Pourtant les outils ne manquent pas. Entre les dispositifs conçus spécifiquement pour prendre une nouvelle orientation – tels que le projet de transition professionnelle (PTP) ou Pro-A [ 1 ] – ; et d’autres plus génériques, comme les contrats en alternance ou le compte personnel de formation (CPF) associé à des abondements, qui peuvent aboutir à un changement de voie : l’éventail des solutions est large. D’autant que la crise sanitaire a conduit les pouvoirs publics à trouver de nouveaux leviers d’actions pour mieux répondre aux enjeux de transformation devenus plus saillants. Les possibilités de mobiliser le FNE-Formation ainsi ont été élargies et assouplies et le dispositif « Transco » a été créé, sous l’impulsion des partenaires sociaux, afin d’accompagner les salariés dont l’emploi est menacé vers des métiers en tension. Difficile dans ce contexte de s’y retrouver. Pour faciliter les mobilités dans un monde en pleine transformation, la ministre déléguée veut « clarifier et simplifier les dispositifs d’accompagnement des transitions, voire en supprimer. »

Des modes de gestion et de financement complexes

Outre la diversité de l’offre, les contraintes de financement et de mise en œuvre des dispositifs expliquent en partie le faible nombre de projets engagés. Les associations Transitions Pro qui prennent en charge des formations longues ainsi que la rémunération des bénéficiaires interviennent sur la base de budgets annuels contraints (aux alentours de 560 millions d’euros). Et le dispositif « Transco » nécessite de respecter de nombreux critères (accord d’entreprise, orientation vers des métiers en tension, passage par le conseil en évolution professionnelle, etc.). Ce qui explique, en partie, que le dispositif ait du mal à s’installer (une centaine de dossiers recensés en 2021 et 280 en 2022). « Il faudra faire le diagnostic mais sur le fond il y un intérêt évident à organiser de façon collective les transitions entre différents secteurs d’activité », souligne Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle de la DGEFP [ 2 ].

Une diversité de besoins et de situations

Si la palette des solutions est si riche, c’est aussi parce que les dispositifs existants répondent à une variété de statuts et de situations : transitions initiées de façon autonome par les actifs, encouragées par l’employeur pour une mobilité interne, accompagnées pour un retour à l’emploi après une période de chômage, ou anticipées dans le cas d’entreprises en difficulté… Bâtir un dispositif unique qui couvrirait l’ensemble des besoins paraît impossible et, « ce ne serait pas souhaitable », estime Max Roche, du Medef qui préside l’association Certif Pro, tête de réseau des Transitions Pro. Tout le défi sera d’articuler les dispositifs dans une dimension collective en tenant compte des aspirations individuelles et des besoins des entreprises. Il y a souvent de « vraies convergences d’intérêts » entre les deux, estime Max Roche, encore faut-il savoir les détecter et les mettre en œuvre.

Simplifier et mieux articuler les dispositifs

Dans cette quête de lisibilité et d’efficacité, des pistes émergent. La ministre déléguée mise ainsi sur la réforme de la VAE pour faciliter les mobilités mais aussi sur le contrat de professionnalisation qu’elle entend « revisiter » pour en faire « un outil d’accompagnement des transitions, une fois libéré de ses contraintes. » Une option intéressante à explorer, parce qu’elle permet d’associer l’entreprise qui accueille la personne en transition et parce qu’elle apporte des solutions aux bénéficiaires en termes de revenu, estime Vincent Donne, chef de projet formation professionnelle de France Stratégie. Autre voie à explorer, selon lui : bâtir un droit à la transition en imbriquant les dispositifs existants. Partir d’un socle qui serait le CPF parce qu’il est ouvert à différents statuts, encourager les abondements de la part des entreprises, des branches et des collectivités et associer des financements publics complémentaires « qui seraient ciblés vers certains publics et certaines situations professionnelles. »

L’accompagnement, un étape cruciale

Pour Jean-François Foucard, de la CFE-CGC, la complexité est inhérente à un système qui s’adresse à des bénéficiaires aux statuts différents et fait intervenir de nombreux acteurs sur le plan de la gestion du financement. Ce n’est pas au niveau du « back office » que se joue la simplification, selon lui, mais dans la relation avec les bénéficiaires. « Il faut penser usager », abonde Véronique Torrens, directrice territoires et partenariat de France compétences. Ce qui implique, précise-t-elle, de comprendre sa situation et d’avoir une vision globale des dispositifs pour identifier celui qui sera le plus adapté. Sur ce point, le conseil en évolution professionnelle a un rôle central à jouer. A condition de renforcer sa notoriété et d’unifier les pratiques des différents opérateurs. « Les actifs devraient avoir le réflexe de mobiliser le service dès qu’ils se posent une question sur leur avenir professionnel », estime Vincent Donne qui suggère des prises de contacts systématisées dans certaines situations, comme les retours en entreprise après un congé maternité ou maladie. Autre moment clé pour anticiper les changements de cap et sensibiliser les salariés : l’entretien professionnel, selon Franck Morel, du cabinet Flichy Grangé Avocats, auteur d’une note sur les reconversions publiée par l’Institut Montaigne en 2022.

Agir sur différents leviers

Le couteau suisse des transitions professionnelles n’existe sans doute pas… Encourager et faciliter les mobilités passera par différents leviers : simplification des outils existants, sensibilisation accrue des actifs aux enjeux d’évolution, coordination des acteurs, individualisation des réponses en matière d’accompagnement et de formation… mais aussi mobilisation de moyens financiers, comme l’a fait l’État pendant la crise sanitaire.

France Stratégie s’apprête à publier un rapport sur les transitions professionnelles

Le réseau emploi compétences animé par France Stratégie s’est penché sur le sujet des transitions professionnelles. Ces travaux feront l’objet d’un rapport qui sera remis, courant mars, à la Première ministre. Ils visent à alimenter les réflexions en dressant un état des lieux des pratiques et des dispositifs et en proposant des pistes d’actions pour renforcer le droit individuel à la transition, répondre aux enjeux du marché du travail et faire des transitions un outil de politique publique pour accompagner les mutations économiques, explique Vincent Donne. Réaliser des diagnostics pour identifier les priorités, construire « un accompagnement universel à l’évolution professionnelle » en s’appuyant sur le CEP ou encore simplifier les dispositifs font partie des propositions qui seront présentées dans ce rapport.

david
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